une autre idée de prescription…
Les processus de co-construction avec les clients gagnent toutes les strates des entreprises, du bureau d’études au comité de direction, en passant bien sûr par le marketing produit. Les clients deviennent des bêta-testeurs intégrés dans les processus de conception. Zoom sur les best practices.
En décembre dernier, le comité de direction du Club Med accueillait neuf clients au siège parisien de l’entreprise. Objectif : améliorer l’expérience client grâce à un dialogue direct et informel, au plus haut niveau, avec les « Gentils Membres ». Baptisée « Open Codir », cette initiative est appelée à se renouveler, le Club Med voulant associer sa clientèle à ses réflexions stratégiques. La démarche est symptomatique d’une tendance de fond : les marques multiplient les instances de dialogue avec leurs clients afin de co-innover et de co-concevoir avec eux produits et services.
Voyages-SNCF.com a ainsi créé une « Love Team » dédiée à la co-construction de services avec les internautes. Entre autres initiatives, cette équipe a aussi mis en place des rencontres physiques avec les clients, organisées tous les deux mois. « Ce sont des moments privilégiés où l’on échange avec cinq clients sur des projets bien précis. C’est une forme d’A/B test vivant », explique Valérie Darmaillacq, Directrice Performance et Relation Clients de Voyages-SNCF.com, dans cette interview.
Des plateformes dédiées à la co-construction
La RATP, Allianz, Decathlon, Lego, Starbucks, Danone, Butagaz… La liste des marques incitant leurs clients à s’engager dans un processus de co-construction ne cesse de s’allonger. Elles répondent à une attente des consommateurs, qui ne veulent plus être des acheteurs passifs en bout de chaîne, mais souhaitent avoir voix au chapitre dès la conception des nouveaux produits et services. Intérêt pour les marques : la co-création les met en prise directe avec les attentes des clients. Ce qui permet entre autres de réduire le « time-to-market » en faisant des choix guidés par les consommateurs.
Pour donner corps à la co-construction, les marques déploient, pour la plupart, une même démarche : elles mettent en place un site collaboratif dédié. Parallèlement à l’« Open Codir », le Club Med vient ainsi d’ouvrir une plateforme « Open Makers » qui se présente comme « une opportunité unique de co-créer, ensemble, de nouveaux services ». La marque y propose, par exemple, de voter pour choisir la destination d’un nouveau circuit (Madagascar ou Laos ?) et donne aussi aux GM la possibilité de suggérer leurs propres idées, comme des cours de cuisine locale.
Les clients se transforment en bêta-testeurs
Les démarches de co-création touchent l’ensemble du cycle de vie des produits et services. Très en amont, elles permettent d’aiguiller la R&D des entreprises ou même de valider la légitimité d’une marque à investir un nouveau territoire. En aval, elles transforment les clients en bêta-testeurs. La plateforme EDF Pulse & You répond à ces deux objectifs. Lancée en avril 2016, elle se veut un laboratoire digital d’innovation participative, où des startups viennent exposer leur projet dans le domaine de l’énergie, de l’habitat et du bien-être. Une version 2.0 du « proof of concept », décrit EDF. « Les commentaires et les idées déposés par les usagers permettent d’améliorer leurs produits, de faire évoluer les technologies, ou d’inventer des services auxquels les concepteurs n’auraient pas forcément pensé », ajoute Gaël Le Boulch, en charge de l’innovation ouverte à la Direction Marketing des clients particuliers d’EDF.
EDF Pulse & You a par exemple été utilisée pour finaliser la mise au point d’Hector. Il s’agit d’un cube connecté, développé par une startup du même nom, et cumulant les fonctions de station météo, de thermomètre et d’hygromètre. Lors d’une première phase, au printemps 2016, les internautes ont été sollicités pour savoir ce qu’ils feraient d’un tel objet, comment ils l’utiliseraient, dans quels endroits, etc. Et pour la seconde phase du projet, les 100 contributeurs les plus actifs ont reçu gratuitement un exemplaire d’Hector chez eux, afin de le tester et de faire remonter leur feedback. Ce qui a permis de faire évoluer le produit en lui-même (certains utilisateurs trouvaient que la V1 manquait de robustesse), ses fonctionnalités, et aussi sa communication, pour intégrer la variété d’usages qui se sont révélés grâce aux retours des participants.
Une étape collaborative qui s’inscrit dans le processus de conception
Autre exemple d’entreprise qui fait tester de nouvelles fonctionnalités par sa communauté de clients : la Société Générale. La banque a même développé une application, l’Appli LAB, uniquement destinée aux clients qui veulent essayer les nouveaux services en avant-première, afin de donner leur avis avant le lancement officiel. En ce moment, l’Appli LAB propose par exemple de tester une fonctionnalité « La tirelire » pour mettre de l’argent de côté quand on le souhaite.
Parmi les marques référentes qui ont développé une culture de la co-création et du test de produits par la communauté, il faut aussi citer Decathlon. « Les tests de nos produits et services font partie de notre processus de conception et sont une étape importante pour garantir les meilleurs produits », fait valoir l’enseigne sur son site dédié, Decathlon Creation. Chacun peut y poser sa candidature pour devenir testeur de nouveaux produits.
Pourquoi les marques veulent leurs propres plateformes
Pourquoi lancer une plateforme dédiée à la co-création alors que les clients sont déjà inscrits sur les pages Facebook, Instagram ou Twitter des marques ? « Facebook est un très bon point de départ pour prendre le pouls de sa communauté et poser les bases d’un processus de co-construction, estime Gaël Muller, Directeur Général de Fanvoice, spécialisée dans la conception de plateformes collaboratives pour les entreprises. Mais Facebook est aussi une plateforme très généraliste. Les motivations des clients y sont très diverses : ils y viennent pour participer à un jeu, pour accéder au SAV, etc. Cela perturbe la conversation sur des sujets ciblés. » D’où la conception par les marques de leurs propres plateformes collaboratives. Elles peuvent y tisser des liens durables et étroits avec leur communauté. Et à la différence de leurs pages sur les réseaux sociaux, elles y ont la maîtrise totale des données fournies par les membres inscrits…
Qu’est-ce qui motive les clients ?
La première motivation des clients est l’envie de participer à l’aventure d’une marque qu’ils apprécient. Sans autre bénéfice que de pouvoir influencer la conception des futurs produits et services. Toutefois, pour récompenser les clients les plus actifs, les marques mettent souvent en place des processus de « gamification ». Typiquement, elles offrent un cadeau aux participants dont les contributions ont été le plus « likées » par la communauté. Pour Hector, par exemple, trois prix étaient accordés aux contributeurs les plus actifs (un casque sans fil, un chargeur solaire, un coffret cadeau).
De son côté, Decathlon récompense les participants par un système de points, qui s’échangent contre des euros, sur la base de 100 points pour 1 €. Une idée proposée sur le site et retenue par Decathlon peut par exemple donner droit à 50 000 points. Ce qui incite à venir partager des projets avec l’enseigne !
Lego va encore plus loin sur sa plateforme Lego Ideas. Lorsqu’un projet comptabilise 10 000 votes, il est étudié par les designers de la marque. Et s’il est retenu pour être produit et commercialisé, le concepteur en reçoit 10 exemplaires gratuitement. Son nom est aussi inscrit sur la boîte comme étant le créateur officiel du jeu. Et il perçoit 1 % des ventes générées. C’est presque un nouveau modèle de collaboration entre les marques et les clients qui s’invente ainsi.
Démonstrateurs, conseillers, prescripteurs: quand les clients aident à la vente
Quand les clients se font démonstrateurs
Et si les parcours clients s’enrichissaient d’un nouveau point de contact ? Pouvoir entrer en relation avec la marque et essayer ses produits en s’adressant non pas à un vendeur mais à des clients existants. Plusieurs marques ont lancé des initiatives allant dans ce sens, permettant d’instaurer une relation plus authentique, renouvelant les arguments parfois formatés des commerciaux.
Dacia a ainsi mis en place les Portières Ouvertes. Le principe, développé dans la vidéo ci-dessus : proposer aux personnes intéressées par l’achat d’une Dacia de réserver un essai non pas en concession mais auprès d’un particulier possédant un véhicule de la marque. Le constructeur peut compter sur la mobilisation d’une forte communauté de « Daciaphiles ». Renault, propriétaire de la marque, veille depuis une dizaine d’années à entretenir leur passion, en organisant par exemple des pique-niques rassemblant les conducteurs.
D’après le site RelationClientMag.fr, l’initiative Portières Ouvertes est bien accueillie par les concessions car elle ne constitue pas un circuit de vente alternatif (les ambassadeurs ne reçoivent pas de commission si la vente se fait après l’essai), mais bien un nouveau moyen pour entrer en relation avec la marque.
La Camif, qui a renoué avec la croissance en misant sur l’équipement de la maison Made in France, propose aussi d’aller essayer ses produits chez des clients. Le site a fait appel aux services de la même startup, Show-Roomer, qui organise les Portières Ouvertes de Dacia. Son slogan : « Transformer votre communauté de clients en force de vente collaborative ».
L’internaute intéressé par un canapé sur Camif.fr peut ainsi localiser un client près de chez lui l’ayant déjà acheté, et lui envoyer une demande de rendez-vous. Ici, les clients qui ouvrent leurs portes sont intéressés à la vente et reçoivent 40 € en bons d’achat si elle se réalise. Mais leur motivation première ne semble pas être financière : ils trouvent là un moyen de soutenir le Made in France, ainsi qu’un prétexte pour rencontrer un voisin, qu’ils vont pouvoir aider dans son achat.
Quand les clients se font conseillers
L’instauration d’un tchat communautaire est une tendance forte sur les sites de e-commerce, permettant aux internautes de profiter de l’aide et de conseils de clients expérimentés. Tous les secteurs sont concernés, des tchats communautaires étant proposés par BlaBlaCar, La Redoute, L’Oréal, Sarenza, Voyages-SNCF, Auchan, France Loisirs, etc. La motivation des clients ambassadeurs ? Pour 91 % d’entre eux, c’est d’abord de se sentir utiles, selon une étude réalisée par Howtank, qui propose une solution de tchat communautaire.
Dans ce modèle, les clients ne sont pas rémunérés. Des mécanismes de gamification existent néanmoins, donnant par exemple des points aux membres de la communauté les plus actifs et permettant de gagner des cadeaux. Ces tchats communautaires n’ont pas vocation à totalement remplacer le service client, mais à fournir aux internautes hésitants un premier niveau de conseil et de partage d’expérience.
Un autre modèle a été mis en place par la startup iAdvize : son offre, intitulée ibbü, propose de rémunérer des clients experts pour assurer le service client de sites de e-commerce. D’après iAdvize, 60 % des achats ont lieu le soir et le week-end. Sa solution vise donc, en premier lieu, à apporter une réponse aux internautes en dehors des heures d’ouverture du service client.
Illustration avec les Club Marmara qui ont testé cette approche fin 2016 : « Nous sommes allés chercher en ligne, sur les réseaux sociaux et dans la base clients de Marmara, cinq personnes passionnées, qui avaient déjà séjourné dans des Club Marmara. Ils répondent quand ils le souhaitent, depuis leur mobile », explique à L’Écho Touristique Julien Hervouët, Directeur général d’iAdvize. Avec le statut d’auto-entrepreneur, ils ont le choix entre deux modèles de rémunération : au contact (2 € par tchat) ou à la performance (avec une commission correspondant à un pourcentage du panier d’achat). Ces clients experts toucheraient ainsi entre 200 et 300 € d’honoraires par semaine.
Quand les clients se font prescripteurs
Dans ce contexte, une nouvelle étape devait naturellement émerger : proposer une commission à des clients experts dont les recommandations permettent de réaliser une vente. C’est le principe au cœur de l’application de shopping collaboratif Teeps, qui vient de lever 1,5 million d’euros pour son développement. Fabrice Berger Duquene, l’un des deux cofondateurs de la startup, définit son activité comme étant de la recommandation humaine. « L’e-commerce est très froid, déshumanisé et nous souhaitions trouver un moyen d’y intégrer de l’humain. Nous sommes tous perdus face à la masse de l’offre et la recommandation humaine a toujours été au cœur du commerce », explique-t-il dans Les Échos.
Teeps a réuni une communauté de 2 500 experts, notamment des blogueurs et des YouTubeurs, autour de trois univers : Mode, Déco et Enfants. Les consommateurs en quête de conseil pour un achat posent leur question sur le tchat de l’appli. Un expert s’en saisit et leur propose une recommandation personnalisée à partir des 100 000 références, issues de 750 marques, disponibles sur la marketplace de Teeps. Les prix sont les mêmes qu’en boutique, les marques reversant une commission de 20 % (8 % pour l’expert, 12 % pour l’appli). Teeps revendique déjà plus de 15 000 utilisateurs et entend se développer à la fois sur de nouveaux univers comme le vin ou le sport, et aussi en marque blanche, pour le site Delamaison.fr par exemple.
Aux Pays-Bas, une startup, TRVL, développe un modèle assez proche dans l’univers du tourisme, transformant les particuliers en agents de voyage. Schématiquement, TRVL propose aux internautes préparant un voyage d’entrer en contact avec des « experts » de la destination, qui vont notamment leur recommander des hôtels. Et percevoir une commission si les internautes retiennent ces hôtels. Ici aussi, l’objectif est d’humaniser les réservations faites sur Internet.
Et sur la même tendance, Teeps propose de mettre en relation des utilisateurs.
Teeps donne des conseils d’utilisateurs experts avant un achat
Teeps, un nouvel acteur du commerce conversationnel. Cette application permet à ses utilisateurs de profiter des conseils d’experts passionnés avant de faire un achat. Trois univers sont concernés : Mode, Déco et Enfants. Vous avez envie d’un nouveau manteau ? Vous voulez changer de canapé ? Vous cherchez un cadeau à offrir ? Pour être accompagné dans votre achat, il suffit d’indiquer votre recherche dans le tchat de l’appli. Un expert du sujet s’en saisit dans les 48 heures, demande éventuellement quelques précisions, et propose une sélection personnalisée à partir des 100 000 références, issues de 700 marques, disponibles sur la marketplace de Teeps.
Marque blanche pour Delamaison.fr
Teeps revendique 10 000 utilisateurs de son appli, 1 500 experts et plus de 250 000 fans sur Facebook. Les prix sont les mêmes qu’en boutique. L’appli se rémunère auprès des marques référencées par une commission de 20 % (8 % du prix total va à l’expert et Teeps garde 12 %). L’entreprise s’apprête à déployer sa solution en marque blanche pour le site Delamaison.fr, selon le même modèle de fonctionnement.
Les blogueurs comme experts
Bénéficier d’experts de qualité est un des enjeux majeurs pour Teeps, qui se tourne vers les blogueurs. « Nous allons signer avec CanalBlog, la plus grosse plateforme française avec 900 000 blogs actifs, explique le cofondateur de Teeps, Fabrice Berger-Duquene. Avant, les blogueurs donnaient des conseils sur leur blog, mais désormais ils ont des demandes sur Facebook ou WhatsApp. Teeps est l’outil de dialogue e-commerce entre les blogueurs, leur audience et les marques. »
Lire l’article : http://lehub.laposte.fr/dossiers/nouvelles-formes-collaboration-entre-marques-leurs-clients
y a aussi
https://www.crossshopper.com/
intuitif et simple